La candidature UNESCO de l’enceinte romaine du Mans (Sarthe)

 Le CReAAH-LARA Nantes (UMR 6566) est impliqué dans deux candidatures UNESCO :

Projet collectif de recherche – L'enceinte romaine du Mans (Sarthe)

^{Vue depuis l’ouest et la Sarthe d’une partie du flanc occidental de l’enceinte romaine du Mans.
En arrière plan émerge la cathédrale du Mans. Crédits : Ville du Mans}

Le Mans, siège de la préfecture du département de la Sarthe, est une ville fondée à l’époque romaine, autour du changement d’ère, et alors instituée comme capitale des Aulerques Cénomans.

Dans les années 320-360 apr. J.-C., dans le cadre d’un mouvement de mise en défense de l’Empire et de restauration de l’autorité impériale, elle va être dotée, comme d’autres chefs-lieux de cité, d’une enceinte. Cette dernière, remarquablement conservée, particulièrement le long de la rivière Sarthe, se développe sur 1300 m de long, dont plus des deux tiers sont conservés, et englobe une superficie de 8,5 ha.
Vraisemblablement construit sous l’égide d’architectes et de maîtres d’œuvre appartenant à l’armée, ce monument impressionnant est matérialisé par une courtine qui atteignait environ 10 m de haut et qui était flanquée d’une quarantaine de tours et d’au moins trois portes et six poternes. Elle est restée jusqu’au XIVe s. la principale défense urbaine et aussi le cadre dans lequel s’est développée la ville médiévale.
Sa principale spécificité, comparativement à d’autres fortifications de l’Antiquité tardive, est le décor qui anime son parement extérieur, jouant sur la polychromie et sur des motifs géométriques alternant briques de couleur rouge, moellons de grès roussard brun rouge à noir, de grès clair et de calcaire, le tout jointoyé avec du mortier de tuileau rougeâtre. Ce décor relève d’une tradition constructive locale, qui apparaît dès le début du Ier s. apr. J.-C. et met à profit les ressources géologiques avoisinantes, dans un contexte propice à la variété des matériaux car situé à l’interface entre le Massif armoricain et le Bassin parisien.

Cette enceinte remarquable a été classée au titre des Monuments historiques en 1862 puis, après quelques vicissitudes, a fait l’objet de plusieurs travaux de dégagement et de campagnes de restauration, notamment à partir des années 1980, accompagnés de recherches archéologiques. Aujourd’hui, elle constitue un élément fort du patrimoine de la ville du Mans, enserrant la Cité dite Plantagenêt et servant de point d’ancrage à d’autres monuments emblématiques, comme la cathédrale, la collégiale et le palais (actuelle mairie) des comtes du Maine, ou encore utilisée, l’été venu, comme support aux projections de la Nuit des Chimères.

C’est en 2015 que les édiles du Mans, déjà Ville d’art et d’histoire depuis 2002, ont engagé un projet visant à une inscription de l’enceinte romaine au patrimoine mondial de l’UNESCO et débuté un travail de fond sur le sujet. En mai 2016, une réunion d'experts en histoire, en archéologie et en architecture a été invitée sur place à l'initiative conjointe de la municipalité, de la préfecture de la Sarthe et de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) des Pays de la Loire et il a été conclu qu'un programme collectif de recherche constituerait certainement le cadre le plus adéquat pour établir un bilan scientifique complet sur l'enceinte romaine et donc accompagner la Ville du Mans dans sa démarche. Il se trouve que cette enceinte du Mans, d'apparence bien connue notamment grâce à son étude par Joseph Guilleux dans les années 1980-1990, avait bénéficié de nouvelles découvertes dans les années 2000 et présentait en outre un certain nombre de zones d'ombre (modes de construction, datation, tracé d’une partie du mur, etc.) qui justifiaient l'intérêt d'en reprendre l'étude, au-delà du seul objectif UNESCO.
C’est ainsi que, dès 2017, un projet collectif de recherche (PCR) intitulé « L’enceinte romaine du Mans (Sarthe). Bilan des connaissances » a été mis en œuvre avec l’appui du Service régional de l’archéologie des Pays de la Loire (DRAC) et de la Ville du Mans. Piloté par Hugo Meunier et Martial Monteil, il réunit une trentaine de chercheurs et s’inscrit dans le cadre scientifique de l’UMR 6566 CReAAH, participant des activités des laboratoires LARA de Nantes Université et CReAAH du Mans Université.

Avec en perspective une finalisation prévue en 2026-2027, ce PCR a déjà à son actif des résultats novateurs en matière de reconnaissance de nouveaux tronçons, de modes et de matériaux de construction, de datation, ainsi que d’observations multiples sur l’évolution du système défensif au Moyen Âge et à l’Époque moderne : l’ensemble contribue à étayer les critères scientifiques fondant sa valeur universelle exceptionnelle et son intégrité, et qui composent le socle permettant l’accès à la liste du patrimoine mondial.
À ce jour (novembre 2024), le comité scientifique constitué d’archéologues, d’historiens, de géographes, de représentants des services municipaux et d’experts du ministère de la Culture continue à avancer sur cette longue route qui doit tout d’abord mener à une inscription sur l’inventaire indicatif des biens que l’État français souhaite proposer à l’UNESCO (voir : http://whc.unesco.org/fr/etatsparties/fr). Après avoir envisagé un dossier strictement limité à l’enceinte du Mans, la tendance est désormais de considérer plutôt une candidature sous la forme de biens en série, en s’associant donc avec d’autres partenaires, qui ont la gestion de monuments du même type déjà inscrits : des contacts ont à ce titre été pris avec les villes de Lugo (Espagne) et de Rome (Italie), qui sont dans ce cas.  

Affaire à suivre !

de Hugo Meunier (Ville de Laval, UMR 6566 CReAAH - LARA) et Martial Monteil (Nantes Université, UMR 6566 CReAAH - LARA), novembre 2024

> équipes 6 du CReAAH

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• Pour en savoir plus

Bibliographie

**Augry S., Bertrand E., Bouillet J., Brard M. Cabot É., Meunier H., Miot F., Monteil M., Raux S. 2022 : L’enceinte romaine du Mans. 40 ans de recherche archéologique, Dijon, Éditions Faton (coll. Archéologia, hors-série 34), 65 p.

**Bertrand E., Savariau C., Durand A., Bernollin V. 2024 : Les enceintes romaines tardives : des médiations nouvelles pour un objet patrimonial récent (Le Mans, Lugo, Cologne, Trèves, Rome), in Morice J.-R., Saupin G., Vincent J., Vivier N. (dir.), Nouvelles lectures et pratiques patrimoniales. Les Pays de la Loire au miroir de l’Europe, Rennes, Presses universitaires de Rennes (coll. Art & Société), p. 229-240.

**Bouillet J., Augry S., Bertrand E., Meunier H., Monteil M. (dir.) 2022 : Au pied du mur, l’enceinte romaine du Mans, Catalogue de l’exposition du musée Jean-Claude-Boulard – Carré Plantagenêt du Mans, 14 mai 2022-14 mai 2023, Le Mans, Musées du Mans, Gand, Éditions Snoeck, 200 p.

**Chevet P. (dir.), Cabot E., Raux S., Meunier H. 2019 : Le Mans du Ier au IVe siècle de notre ère dévoilé par l'archéologie, Paris, Inrap (Coll. Mémoires de fouilles), 40 p. [https://www.inrap.fr/le-mans-du-ier-au-ive-siecle-de-notre-ere-devoile-par-l-archeologie-14625].

**Ferré G., Meunier H., Monteil M. 2024 : L’enceinte romaine du Mans (Sarthe). Outils numériques et enquête archéologique à l’appui d’une candidature au patrimoine mondial de l’Humanité), in Morice J.-R., Saupin G., Vincent J., Vivier N. (dir.), Nouvelles lectures et pratiques patrimoniales. Les Pays de la Loire au miroir de l’Europe, Rennes, Presses universitaires de Rennes (coll. Art & Société), p. 131-141.

**Hervé G., Guibert P., Meunier H., Monteil M., Dufresne P., Lanos P., Oberlin C., Ben Aissa G. 2023 : Chronology of the Late Roman Antiquity wall of Le Mans (France) by OSL, archaeomagnetism and radiocarbon, Journal of Archaeological Sciences : Reports, 51, [https://doi.org/10.1016/j.jasrep.2023.104172], 16 p.

Webographie

*https://murus.univ-lemans.fr/ [programme de recherche au Mans Université]

*Film documentaire « À la découverte de l’enceinte romaine du Mans », avec Hugo Meunier et Martial Monteil : ici

*Film documentaire « La construction de l’enceinte romaine du Mans », avec Hugo Meunier et Martial Monteil : ici